SUPPRIMONS L' AND

11/09/2021

D'une manière générale, une institution, dans un pays, est une structure qui vise à promouvoir et à défendre les intérêts d'une collectivité ou d'un peuple. Une institution ne saurait exister que si elle est utile au plus grand nombre.

Pourtant, dans certains pays, les institutions ne sont là que pour défendre les intérêts d'une minorité, souvent puissante, qui abuse des plus faibles. Aux Comores, surtout de nos jours, toutes les institutions sont orientées et ne fonctionnent que suivant les ordres et les caprices des gouvernants.

Il suffit de s'intéresser à l'Armée Nationale de Développement (AND) pour se rendre compte de l'état de déliquescence des instances nationales. Cette armée s'illustre honteusement, en dehors de toute humanité, par sa capacité à brutaliser le peuple et à le faire souffrir, dans le seul objectif de plaire au régime et de glorifier son chef.

Armée ou milice? Une question de survie

Ailleurs, notamment en France dans le cadre du code de la défense promulgué en 2018, les forces armées assurent la protection de la population, du territoire et des intérêts du pays contre les agressions armées et les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale. Dit autrement, le rôle d'une armée est de mourir pour son peuple et pour la patrie.

Cette définition, bien que contenue dans un texte français, vaut pour toutes les armées du monde entier. L'armée comorienne est là pour défendre nos compatriotes et l'intégrité de notre territoire. En aucun cas, l'armée ne peut privilégier les intérêts d'un homme ou d'un clan, aux dépens de ceux du peuple sacré. En démocratie, le peuple, seul, est souverain, ce qui veut dire que le militaire a obligation de refuser toute consigne allant à l'encontre de ses aspirations.

Il est manifeste, au vu de ce qui précède, que l'Armée Nationale de Développement (AND) manque à ses obligations morales et réglementaires. Pis, elle constitue une source sérieuse de menaces pour le peuple . Rien que ça !

Il nous est difficile de recenser avec exactitude, le nombre de civils comoriens tombés sous les balles de militaires, depuis l'arrivée au pouvoir du tyran Assoumani Azali. Il nous est complètement impossible de dénombrer le nombre total de Comoriens tués par balles depuis 1975, date à laquelle notre pays obtint son indépendance.

Cette malheureuse tendance, en plus de s'être renforcée depuis 2016, prend une autre tournure. Nos militaires ne se contentent plus d'ôter la vie de Comoriens désarmés. La tendance est désormais de tuer le peuple sacré dans des circonstances qui défient toute humanité. Il s'agit par exemple de pratiquer des tortures avant d'appuyer sur la gâchette ou encore, de souiller les dépouilles des victimes, de profaner leur sépulture. En 1992, Ahmed Abdallah Apache n'a pas été seulement exécuté par des militaires félons. Sa dépouille, souillée, a été exhibée dénudée devant des Comoriens abasourdis et affligés. Plus récemment encore, il y a à peine quelques mois, le citoyen Bapale a été torturé, fracassé, assassiné puis enseveli dans un trou sans bénéficier du lavage rituel, appliqué à tous musulmans qui quittent ce monde. Il a fallu attendre que des riverains parviennent à localiser la honteuse fosse où étaient largués, la tête piégée dans un sac, les restes de notre compatriote.

Cette scène macabre, bien que barbare, n'avait pas franchement surpris plus d'un. C'est dire si les Comoriens sont, hélas, habitués à ce genre de sévices de la part de cette armée criminelle. Personne ne peut oublier, cette jeune fille d'à peine huit ans, criblée de balles dans le dos ( quel courage!) et engloutie dans les décombres de sa propre maison partie en fumée après bombardements. Quelques organes de la fillette furent retrouvés ici ou là, complètement détachés du reste du corps en miettes. Quelle armée !

A cela s'ajoutent, bien évidemment, les tortures d'opposants auxquelles se livrent certains miliciens dans le seul but de flatter leurs chefs. L' histoire de Saoulard est malheureusement, un exemple particulièrement éloquent. Maçon, père de famille et citoyen ordinaire, Saoulard fut arrêté et accusé à tort d'avoir sectionné la « cheville de la main » du sergent Ali Radjabou. Saoulard, qui parviendra à démontrer, preuve à l'appuie, son innocence, a été enfermé dans la très redoutable prison de Moroni. Lors de son procès public, il avait fait des aveux qui ont fait pleurer publiquement le journaliste Ortega Abdou Hassani :

« M. le juge, je ne pus répondre à vos questions. J'ai mal. Je souffre. Des militaires m'ont torturé. J'ai perdu toutes mes dents. On me nourrissait d'excréments et de rejets humains. J'ai le ventre enflé. » A ces propos, complètement insupportables et franchement révoltants, le juge répondit : « On s'en moque. »

Peut-on, dans ces conditions, parler d'armée ? Il s'agit, en réalité, d'une milice qui, pour obéir aux ordres , se livre à toutes sortes de violences et d'agression. Une violence tellement inacceptable qu'elle ne s'adresse pas à un ennemi extérieur mais au peuple profond des Comores, raison d'existence de cette institution malfaisante Est-il nécessaire de rappeler que même le président de l'Union des Comores ( quand il y en avait un), chef des armées, est soumis à la volonté du vénérable peuple comorien ?

Aujourd'hui, rares sont les familles comoriennes qui n'ont jamais eu affaire aux militaires comoriens. Certaines de ces familles sont complètement déchirées, à jamais démembrées par la perte d'un être cher, dont la vie a été retirée par ceux-là même qui auraient dû perdre la leur à la place. Aux rythmes où vont les choses, d'ici 2024, date à laquelle le potentat Assoumani Azali envisage d'organiser des élections présidentielles, notre pays risque de se vider de son peuple. Il m'est inenvisageable d'assister impuissant à l'extinction programmée des miens. Le dernier comorien ne tombera pas sous mes yeux.

Des arguments qui ne tiennent pas

En général, ceux qui s'opposent à la suppression de l'AND, avancent un trio d'arguments. D'abord, ils s'inquiètent de la montée des menaces dans l'océan indien (piraterie, terrorisme), s'interrogent sur le visage d'un pays sans armée et admettent, qu'une réforme serait plus appropriée que la suppression pure et dure. Il me semble qu'aucun de ces arguments ne peut  tenir.

D'abord, il est vrai, que la région de l'océan indien fait face à des menaces des plus préoccupantes. Il s'agit essentiellement du terrorisme qui frappe certaines des îles de la sous-région. La piraterie maritime quant à elle, est présente dans la zone depuis plusieurs années déjà. Toute la question est donc de savoir comment réagirait notre armée si ces menaces devaient atteindre notre territoire.

A regarder de près l'histoire récente de notre pays, l'on s'aperçoit que l'armée comorienne n'a jamais vraiment fait face à un ennemi extérieur à chaque fois que le pays était attaqué. Pour ne citer qu'un exemple, en septembre 1995, lorsque des mercenaires français débarquèrent au pays pour destituer de force le président Said Mohamed Djohar, non seulement, dans son ensemble, l'armée comorienne n'a pas pas défendu le pays, mais aussi, son chef, le commandant Assoumani Azali, déserta le front et laissa le terrain à quelques braves soldats subalternes qui ne purent empêcher la déportation du président. Est-ce cette armée qui pourrait affronter des terroristes dont la vocation chevronnée est de mourir au combat, en martyrs ?

Quant à dire que la présence d'une armée renforce l'image d'un pays et marque sa souveraineté, je répondrai que la sécurité passe avant les apparences et que je refuse toute souveraineté qui se ferait sans le peuple souverain. L' île Maurice, qui jouit d'une meilleure image que les Comores à l'international, ne dispose pas d'armée. Les missions militaires et sécuritaires sont assurées par un corps de 10.000 hommes. Or, l'île Maurice, pays prisé par les touristes du monde entier, n'est ni moins développé que les Comores, pays surarmé, ni plus vulnérable que cet archipel.

Enfin, reformer signifie, prendre le risque d'engager un projet à long terme sans avoir la certitude d'obtenir, au final, les résultats escomptés. En attendant que la réforme de l'armée produise ses effets, je refuse que le peuple comorien continue à vivre sous la peur et la crainte de voir son armée se déchaîner davantage contre lui. Une menace, même petite, surtout quand elle pèse sur tout un peuple, ne se reforme pas. Elle s'éradique.

On n'a rien à perdre...D'autres l'ont fait

Qui, des Comoriens d'aujourd'hui, regretterait l'AND si elle venait à disparaître ? Par ailleurs, des pays, qui avaient pourtant une armée digne de ce nom, ont décidé de s'en passer. Aujourd'hui, loin s'en faut, certains de ces pays font même figure de bon élève en matière de sécurité intérieure. C'est le cas du Costa-Rica.

Situé en Amérique centrale, le Costa-Rica est piégé dans la principale route de passage des principaux produits illicites consommés de par le monde. Pourtant, en 1949, le gouvernement du Costa-Rica décida de supprimer son armée. Aujourd'hui, soixante douze ans après, deux enseignement peuvent être tirés de cette expérience. Le Costa-Rica, parce que son peuple comprit que la sécurité du pays est l'affaire de tous, est l'un des pays les plus calmes du monde. La suppression de l'armée a exactement produit l'effet inverse. Plutôt que de rendre le pays vulnérable, il l'a renforcé en responsabilisant les citoyens et en les sensibilisant à l'absolue nécessité de préserver la paix et la sécurité.

Le deuxième enseignement à tirer est qu'il est possible d'être situé dans une région agitée et ne pas être concerné par les effets de ces troubles. Qui, aujourd'hui, pourrait dire que l'océan indien est plus instable que toute la région centre et sud de l'Amérique ?

Mort à l'AND

Pour conclure, l'exemple du Costa-Rica nous montre qu'il est possible de se passer d'une armée, surtout quand elle est dangereuse, même lorsqu'on est situé dans l'une des régions les plus troublées du monde.

Cet exemple nous apprend également qu'il est possible de supprimer l'armée pour préserver et renforcer la sécurité intérieure. Le peuple, se pensant vulnérable, concourt lui-même à sa propre sécurité, tout le monde est responsabilisé.

Nous apprenons de même, de cet exemple, qu'il est possible de mieux gérer les finances publiques en se passant d'une institution inutile, budgétivore et nuisible. En l'espèce, tout le budget qui était alloué à l'armée du Costa-Rica a été réorienté. Il a servi a bâtir l'un des meilleurs systèmes de santé de toute l'Amérique.

Notre pays, peut donc s'inspirer du cas costaricain pour supprimer l'AND. Sa présence, en plus d'être une menace pour chaque Comorien, nuit gravement au développement du pays. Le budget qui lui est alloué ne sert qu'à équiper en armes, des bandits qui n'ont jamais hésité à ouvrir le feu sur les nôtres.

Pour la sérénité du peuple, pour la sécurité du pays et pour son développement, mettons un terme à l'Armée Nationale de Développement. La vie des Comoriens passent avant le souci d'afficher l'image décalée d'une armée dont tout le monde connaît le rôle : exterminer le peuple, glorifier le chef, déserter le combat, bouffer et dormir : « Nele yilale ».

Omar MIRALI

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