Macron, l'ami intime d'un dictateur
Dans une conférence de presse
tenue à l'Elysée le 22 juillet 2019, le président français Emmanuel Macron
s'est dit « heureux d'accueillir le président de l'Union des Comores,
Azali Assoumani à l'occasion de sa visite officielle en France. »
Azali Assoumani, ce président dont Emmanuel Macron était « heureux d'accueillir » est un putschiste. Il arrive au pouvoir, la première fois, le 30 avril 1999, par un coup d'Etat militaire. Azali Assoumani, ce président dont Emmanuel Macron était « heureux d'accueillir » faisait l'objet, un mois plus tôt, de critiques particulièrement acerbes, de la part de Nils Melzer, expert de l'ONU sur la torture. En effet, le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, avait effectué une visite officielle aux Comores, entre le 12 et le 15 juin 2019, visite qu'il fut contraint d'interrompre car, dit-il dans son rapport daté du 23 janvier 2020, « il n'a pas pu accéder librement aux lieux de détention et les modalités de la visite n'étaient pas conformes aux termes de son mandat. »
Dans ce rapport, Nils Melzer dit avoir recueilli des informations confirmant que les conditions dans les lieux de détention pouvaient être assimilées « à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » Par ailleurs, il s'est dit avoir « de bonnes raisons de croire que certains agents des forces de l'ordre ont eu recours à des pratiques constitutives de torture ou de mauvais traitements alors qu'ils encadraient des manifestations, procédaient à des arrestations ou conduisaient des interrogatoires. » En somme, le rapport de Nils Melzer semble confirmer les allégations de l'opposition comorienne qui dénonce une virée dictatoriale du régime du colonel Azali Assoumani.
En effet, depuis le mois de mars 2019, l'opposition comorienne organise, en France et ailleurs dans le monde, des manifestations contre la dictature aux Comores. Le 31 mars 2019, une grande manifestation a réuni, d'après Mhamadi Said, Secrétaire Général de l'Appel de Marseille, organisation comorienne de Marseille contre la dictature aux Comores, plus de 20. 000 personnes. Dès lors, les actions contre le gouvernement dictatorial d'Azali Assoumani se sont multipliées, un peu partout en France, en Métropole comme en Outre-mer, aux Comores et dans d'autres pays du monde.
Les victimes de cette dictature sont nombreuses. Des milliers de Comoriens la fuient et se réfugient à Mayotte, île aujourd'hui sous administration française. Le 07 février 2019, l'INSEE tirait déjà la sonnette d'alarme sur l'arrivée massive de Comoriens à Mayotte. A Mayotte, près d'un habitant sur deux, d'après l'INSEE, est d'origine comorienne. D'autres Comoriens, surtout ceux des opposants qui n'ont pas pu fuir le pays, sont en prison dans des conditions, d'après Nils Melzer, inhumaines. On pense à l'ancien président de l'Union des Comores, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, détenu provisoirement depuis plus de deux ans, malgré l'article 145 du code de procédure pénale du pays qui prévoit la mise en liberté de toute personne détenue au-delà de 08 mois sans jugement. Il est permis aussi de citer l'exemple de Idi Boina, détenu durant plus d'un an, dans le cadre d'une affaire qui avait déjà été jugée et dans laquelle il n'avait jamais été cité. Il se trouve, chose curieuse, que Idi Boina avait quitté le parti présidentiel, la CRC, dont il reprouvait les méthodes de fonctionnement.
Un dernier exemple, celui de Saleh Assoumani. Militant du parti Hury, parti opposé au régime, Saleh Assoumani avait été arrêté, emprisonné puis relâché près de 6 mois plus tard sans la moindre forme de jugement. Dès sa libération, Saleh Assoumani a dénoncé ses conditions de détention. Le 23 septembre dernier, il publie sur twitter, un message particulièrement glaçant : « 3 jours sans nourriture, 55 jours dans une cellule de 1m80 sur 1m50, sans lumière ni toilettes... » Sur Facebook, plus tard dans la même journée, Saleh Assoumani écrit, mot pour mot : « le soir du 23 avril, vers 23h, on m'a mis une cagoule et forcé à courir, ensuite embarqué dans une voiture, position prosternée, j'étais roué de coups et Rangers sur la nuque. » Quelques jours plus tard, pour avoir dénoncé les tortures dont il fut victime, Saleh Assoumani a été de nouveau arrêté, puis enfermé. Il est, à ce jour, toujours détenu quelque part à Moroni.
Les violences de ce régime ne concernent pas uniquement les Comoriens. En avril 2019, deux journalistes français qui couvraient des manifestations de l'opposition comorienne avaient été arrêtés puis enfermés. En effet, Louis Witter, photoreporter français pour l'agence Pictorium et Cyril Castelliti, journaliste indépendant, s'étaient rendus aux Comores le 04 avril où ils avaient été arrêtés. Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF avait alors déclaré : « leur arrestation s'inscrit dans une série inédite d'atteintes à la liberté de la presse ces dernières semaines dans l'archipel. La multiplication des intimidations, arrestations et censure de journaux ne fera qu'amplifier une crise dont les journalistes ne sont en aucun cas responsables. Ils n'en sont que les témoins. »
Quant aux journalistes comoriens, nombreux sont ceux qui ont fait la prison ou qui sont poursuivis dans le cadre de l'exercice de leur métier. Le 16 janvier 2020, RSF devait condamner l'arrestation des journalistes comoriens Ali Mbae et Oubeidillah Mchangama, intervenue alors qu'ils « étaient en route pour couvrir un rassemblement de l'opposition (...) à quelques jours des élections législatives. »
Le 08 juin 2020, sous la référence OTP-CR-299/20, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale a accusé réception d'une plainte pour crime contre l'humanité concernant Azali Assoumani. Dans ces conditions, qu'attend le président français pour se désolidariser de cet homme qui a fait de son propre peuple, un ennemi ?
On constate, hélas, que malgré ces violations des droits de l'Homme, malgré cette dictature décriée jusque la plus haute instance internationale, malgré des violences avérées sur un peuple démuni, malgré les nombreux appels à l'aide de tout un peuple qui manifeste depuis plus d'un an, malgré une situation dont les conséquences se ressentent jusqu'en France, le président français, à qui l'Histoire confie le rôle de garant du respect des droits humains dans le monde, continue de soutenir le dictateur Azali Assoumani et même de le recevoir, à plusieurs reprises, au palais de l'Elysée. Et si la vocation d'un président français était celle de prendre parti pour les peuples et les opprimés et non de soutenir les tyrans qui les maltraitent ?